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De l'appartement, 2019, oil on plaster, 30 x 39 cm / www.iroisedoublet.com

De l'appartement, 2019, oil on plaster, 30 x 39 cm

Lauréats du Prix Novembre à Vitry, solo show at Galerie municipale Jean Collet, Vitry-sur-Seine

Dans Histoires de peintures, Daniel Arasse rappelle la manière dont, dans l’Antiquité romaine, les aruspices dessinaient un rectangle dans le ciel à l’aide de leur bâton, puis attendaient et observaient le mouvement des aigles dans ce cadre imaginaire. L’interprétation des signes par les devins était fonction du nombre, de la direction et de la vitesse des oiseaux. Le templum, lieu sacré des Anciens, découle de cette pratique, plus tard retournée vers la terre : on traçait alors sur le sol un rectangle, qui marquait les limites du temple. Peindre, écrit l’historien de l’art, c’est créer un templum. Et contempler une peinture, c’est lire sa composition, son historia, «ce que dit et pense la peinture». 

On trouve, dans les peintures récentes d’Iroise Doublet, plusieurs images de vol : un avion, un oiseau apparaissent depuis un point de vue situé au sol, évoquant d’un côté une pratique née de l’observation patiente du ciel – l’attention au mouvement des nuages, aux modifications de l’air, de la lumière – et de l’autre des figures ailées comme signes d’une peinture pensée à l’aune de l’idée de vision. Dans l’une des œuvres de l’artiste, les nuages sont d’ailleurs comme placés comme sur une scène bordée de rideaux, s’ouvrant sur un espace inconnu, théâtre de mouvements intérieurs. 

Les peintures de l’artiste renvoient à la fenêtre : les bords sont souvent soulignés, ornés comme pour faire porter le regard sur la périphérie, l’idée de seuil et de passage entre des mondes, dont on ne sait plus où se situe l’intérieur et l’extérieur. Elles sont aussi des surfaces sur lesquelles s’inscrivent des signes, comme laissés par les vents et les tourbillons qui y animent, sur la surface de la toile, un éther immaculé, révélant un espace céleste fait de flux et d’ondes. Le mouvement est ascendant, renforçant le sentiment d’élévation, et les images s’y apposent comme des traces : masses nuageuses, bulles et vagues y côtoient des signes plus abstraits, moins formés, ornements et arabesques agissant comme des notations, des gestes presque chorégraphiques, se générant les uns les autres, s’associant et se contaminant, matière vivante d’une poétique de l’indicible, de la vibration invisible. 

Les travaux d’Iroise Doublet entretiennent une relation à plusieurs dimensions avec l’idée d’archéologie, de mémoire. Parfois peints sur toile, la surface étant préalablement recouverte d’acrylique puis poncée à plusieurs reprises pour devenir le support lisse d’une peinture se faisant dessin, ils sont parfois réalisés sur plâtre, évoquant plus directement un travail à fresque, leur matérialité renvoyant aussi à l’idée de reste d’architecture peint. Imaginées en plan, on pense alors que certaines des formes dessinées par l’artiste, lignes, cercles, rosaces, sont comme l’enregistrement d’un déplacement, la forme d’un espace mental – le vide, le blanc en accentuant la dimension de souvenir, de trace fragmentaire, voire de carte d’un territoire rêvé. Et, si l’on renverse la perspective, vue d’en bas, on peut y voir à nouveau une image cosmique. Je me souviens dès lors que le panneau du Plongeur de la tombe éponyme, réalisée à Paestum en Italie au 5ème siècle avant notre ère, était justement peint sur le panneau supérieur du sarcophage, tourné vers le ciel : la figure humaine sautant dans le vide, dans cet espace incertain cerné de motifs végétaux : image d’un moment indécis, suspendu, sur la lisière du temps, il renvoie, comme les gestes présents dans les œuvres d’Iroise Doublet, au passé, à l’absence ; mais il est aussi un vecteur tourné vers l’avenir, image de nous-mêmes, regardant la peinture, plongeant dans le mystère de la vie, et les signes qu’elle nous invite à interpréter, à deviner

Yann Chateigné

Fenêtre, 2019, oil on plaster, 18 x 14.5 cm / www.iroisedoublet.com

Fenêtre, 2019, oil on plaster, 18 x 14.5 cm

Lauréats du Prix Novembre à Vitry, 2019, exhibition view at Galerie Municipale Jean-Collet, Vitry-sur-Seine_www.iroisedoublet.com

Exhibition view Lauréats du Prix Novembre à Vitry, 2019, Galerie municipale Jean-Collet, Vitry-sur-Seine

Avions la nuit, 2019, oil on plaster, 50 x 61 cm / www.iroisedoublet.com

Avions  la nuit, 2019, oil on plaster, 50 x 61 cm

Autoportrait, 2018, huile sur plâtre, 13.8 x 17.5 cm.jpg

Autoportrait, 2018, oil on plaster, 13.8 x 17.5 cm

Days, 2019, oil on plaster, 7.5 x 20 cm / www.iroisedoublet.com

Days, 2019, oil on plaster, 7.5 x 20 cm

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